Chalon-sur-Saône
Théâtre
Evocation théâtrale d'Alma Mahler d'après le texte de Anna Enquist puis exposé biographique par l'intervenante
Lorsqu’ Alma Mahler meurt, le musicologue Henri-Louis de La Grange découvre à Philadelphie une étude graphologique de celle-ci, signée Margarete Bardach von Chlumberg, et datée de Vienne, le 18 décembre 1918. En voici quelques extraits:
"Personnalité fortement affirmée; tempérament violent et impulsif.
-Bon cœur, capable de générosité, mais esprit mordant et caustique...Surabondance de pensées et de sensations. Jamais de grande douleur calme et qui submerge, mais un chagrin qui ballotte et qui secoue l'être comme un flot agité...
-Grande ambition, le scripteur est vaniteux, capricieux, fantasque dans ses idées comme dans ses actes...
-Elle a consciemment choisi un mari jouissant d'une situation dont elle puisse être fière...
-Incapable de se contenter d'un seul homme, elle a besoin autour d'elle d'un chœur d'admirateurs et d'envieux ou de femmes jalouses, sans lequel la vie lui paraîtrait insipide.
-Qu'elle le veuille ou non, elle attire l'attention...etc..."
Le texte d'Anna Enquist, en quelques pages dit tout cela avec une force et une virtuosité dignes de la personnalité dont elle nous fait partager quelques instants.
Fin mai 1906, Alma a 25 ans et s'est engagée pour la vie aux côtés de Mahler, l'homme qui lui a demandé, avant de l'épouser, de ne plus composer pour se consacrer à lui. Dans un long monologue à résonance universelle, Alma s'interroge sur cet attachement, cette attirance, ce renoncement. Sur ses sentiments maternels, le rôle de ses amants, sur l'autorité de Mahler mais aussi sur son propre narcissisme.
Le texte, écrit à la demande de l'Orchestre philarmonique de Rotterdam, a été créé en 2002 en préambule à l'exécution de la Sixième Symphonie de G. Mahler, à Rotterdam dans le cadre du festival Gergiev.
Le dernier mot revient à Alma qui écrit dans ses Mémoires:
"...Je souffrais de plus en plus d'un complexe d'infériorité torturant. Souvent je devais prendre un air joyeux alors que j'étais au bord des larmes et obligée à ne pas le lui laisser voir. J'aurais pu trouver dans ma musique un remède radical à cet état d'esprit, mais il me l'avait interdite quand nous étions fiancés et, désormais, je traînais avec moi mes cent lieder partout où j'allais, comme un cercueil dans lequel je n'osais même pas regarder.
Un jour, il revint à la maison impromptue et me trouva en larmes. Il m'en demanda la raison. Puis, posant la main sur ma tête:
-Les rêves qui ne s'épanouissent jamais!"
Je ne pus y tenir plus longtemps, j'éclatai en sanglots à fendre le cœur."