Tolstoi et et Nicolas Leskov : deux énergumènes de la littérature russe du XIXème siècle

Conférence de Philippe Comte, maître de conférences honoraire de langue et civilisation russes à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, docteur en Etudes slaves, spécialiste de la Russie. 

Cette conférence vous fera découvrir Léon Tolstoï (1828-1910) comme vous ne l’avez jamais envisagé. Ne vous inquiétez pas, il n’y aura pas de longues et fastidieuses analyses d’extraits de son épopée « Guerre et paix », ni de verbeuses et creuses envolées sur le « génie » qu’il était. Oui, il était génial, mais pas là où on le pense d’ordinaire. C’était aussi – voir mon titre – un énergumène, qui s’est toute sa vie soucié de l’instruction des enfants, et qui, vers cinquante ans, a tout envoyé promener, maudissant l’art, l’écriture (ses propres œuvres), le progrès, l’Etat, l’armée, l’Eglise, lui-même et sa femme, l’aimante et dévouée Sofia Andreevna. Pour finir par se sauver, en catimini, en pleine nuit, de la maison familiale de Yasnaïa Poliana, alors que la moitié de la Russie le considérait comme un gourou.

Quant à Nicolas Leskov (1831-1895), venez donc le découvrir, car vous n’en avez jamais entendu parler (je prends le pari, sans vouloir vous vexer) et c’est bien injuste : c’est un grand écrivain, un homme libre, indépendant, qui n’a jamais rejoint aucune chapelle politique ou littéraire, et la Russie en regorgeait en ces années 1860-1895. Lui, sa chapelle, c’était le peuple russe, les moujiks, popes de campagne ou de petites villes, les artisans, vagabonds et commerçants de cette Russie chevelue, mystique, un peu dérangée, jamais idéalisée chez lui, mais jamais non plus très éloignée des Evangiles, cette Russie, qu’il connaissait comme personne, encore toute imprégnée de l’ancien temps, qui entre, à partir de l’abolition du servage en 1861, dans les grands vents de l’industrialisation et du capitalisme.